Avez-vous déjà remarqué que la première répétition d'un soulevé de terre à partir du sol est nettement plus difficile que les répétitions suivantes ? Ou peut-être avez-vous eu du mal à soulever une barre de votre poitrine à partir d'un arrêt complet, pour constater que le mouvement est beaucoup plus facile si vous la descendez d'abord depuis le haut ? Ces expériences courantes en musculation mettent en évidence des principes physiologiques fascinants, impliquant principalement l'incroyable capacité de nos muscles à stocker et à libérer de l'énergie élastique.
Explorons ces questions et la science qui les sous-tend.
Les questions déroutantes
De nombreux pratiquants ressentent instinctivement ces différences, même s'ils n'en connaissent pas les raisons exactes :
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Pourquoi la première répétition d'un soulevé de terre à partir du sol est-elle plus difficile que la deuxième répétition ?
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Pourquoi, si la barre pour le développé couché est placée sur notre poitrine pour la première répétition, ne pouvons-nous pas la soulever, mais si nous la prenons d'en haut (sur le rack), la descendons, puis la soulevons, nous le pouvons ?
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En général, pourquoi est-il très difficile si nous voulons effectuer la partie positive (concentrique) d'un mouvement avant d'effectuer la partie négative (eccentrique) ?
Ces questions mettent toutes en évidence un concept central : l'avantage d'initier un mouvement concentrique (de levage) puissant après un mouvement excentrique (de descente).
La réponse scientifique : Fuseaux neuromusculaires et cycle étirement-détente
La clé pour comprendre ces phénomènes réside dans nos muscles, en particulier dans des récepteurs sensoriels spécialisés appelés fuseaux neuromusculaires.
À l'intérieur de nos muscles, il existe des fibres appelées fuseaux neuromusculaires. La fonction de ces fuseaux est de surveiller le degré d'étirement musculaire.
Ces structures minuscules et complexes sont cruciales pour la proprioception (notre sens de la position du corps) et pour l'optimisation de la contraction musculaire. Ils agissent comme des "détecteurs d'étirement".
Lorsque vous effectuez la partie négative (eccentrique) du mouvement et que le muscle est étiré, ces fuseaux envoient un message à la moelle épinière, lui demandant de contracter le muscle, et cette action aide à la contraction de la partie positive (concentrique) du mouvement.
Ce mécanisme décrit ce que l'on appelle le cycle étirement-détente (CED).
Voici comment cela fonctionne :
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Phase excentrique (descente/étirement) : Lorsqu'un muscle est étiré pendant la phase excentrique d'un mouvement (par exemple, descente de la barre de soulevé de terre, descente de la barre de développé couché sur votre poitrine), les fuseaux neuromusculaires détectent cet étirement.
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Stockage d'énergie élastique : Cet étirement provoque le stockage d'énergie mécanique par les composants élastiques des muscles et des tissus conjonctifs (comme les tendons), un peu comme un élastique étiré.
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Activation du réflexe d'étirement : Simultanément, les fuseaux neuromusculaires déclenchent un arc réflexe protecteur vers la moelle épinière. Ce réflexe provoque une contraction rapide du muscle étiré, agissant comme un mécanisme de potentialisation.
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Phase concentrique (levage/raccourcissement) : Lorsque le muscle passe immédiatement de l'étirement excentrique à la contraction concentrique, l'énergie élastique stockée est rapidement libérée, s'ajoutant à la force produite par les fibres musculaires. Le réflexe d'étirement contribue également à une contraction plus puissante et efficace.
Relier les points : Pourquoi la première répétition est plus difficile
Maintenant, revenons à nos questions initiales avec cette compréhension :
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Soulevé de terre à partir du sol : La toute première répétition d'un soulevé de terre à partir du sol commence à partir d'un "arrêt complet". Il n'y a pas de phase excentrique précédente pour charger les fuseaux neuromusculaires ou stocker l'énergie élastique. Le pratiquant doit surmonter l'inertie du poids uniquement par la force musculaire, sans bénéficier du CED. Les répétitions suivantes, même si elles touchent brièvement le sol, permettent un léger "rebond" ou un retournement rapide de l'excentrique au concentrique, engageant le CED.
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Développé couché à partir de la poitrine : De même, si la barre est placée sur la poitrine, les muscles sont dans un état détendu, sans tension. Soulever à partir de cette position nécessite d'initier la contraction concentrique sans étirement préalable ni contribution d'énergie élastique. Lorsque vous descendez la barre d'en haut, vous engagez activement la phase excentrique, étirant les muscles de la poitrine et des triceps, activant les fuseaux neuromusculaires et stockant l'énergie élastique. Cela prépare les muscles à une poussée vers le haut plus puissante.
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Concentrique avant excentrique : Tenter un mouvement concentrique sans phase excentrique précédente (connu sous le nom de levée "uniquement concentrique") est intrinsèquement plus difficile car vous contournez complètement les avantages du CED. Vous perdez l'"énergie gratuite" du recul élastique et la potentialisation réflexe des fuseaux neuromusculaires.
Conclusion
La "difficulté" de certains mouvements, en particulier ceux qui commencent à partir d'un arrêt complet ou sans phase excentrique précédente, n'est pas qu'une sensation ; c'est un phénomène physiologique mesurable. Comprendre le rôle des fuseaux neuromusculaires et du cycle étirement-détente permet d'expliquer pourquoi une phase excentrique contrôlée est si vitale pour maximiser la production de force pendant la phase concentrique suivante. C'est un témoignage de la mécanique sophistiquée du corps humain et de la façon dont nos systèmes nerveux et musculaire travaillent ensemble pour nous rendre plus forts et plus efficaces dans nos mouvements.