La niacine, ou vitamine B3, est un nutriment essentiel vital pour plus de 400 fonctions enzymatiques, jouant un rôle essentiel dans la production d'énergie, la réparation de l'ADN et la santé métabolique globale. Bien qu'elle soit généralement connue pour ses bienfaits dans la gestion des lipides à des doses thérapeutiques, son utilisation comme supplément de pré-entraînement — souvent présent dans les mélanges de "pre-workout" — présente un paradoxe métabolique pour les athlètes, en particulier ceux qui se concentrent sur l'endurance ou l'adaptation aux graisses.
Au cœur de cette complexité se trouve l'effet anti-lipolytique aigu et puissant de la niacine.
Le mécanisme : Niacine et inhibition de la HSL
Lorsqu'elle est consommée à fortes doses (dépassant de loin l'apport quotidien recommandé), la niacine agit pour réduire considérablement le niveau d'acides gras libres (AGL) circulants dans le sang. Elle y parvient principalement en se liant à un récepteur sur les cellules graisseuses (adipocytes) qui, par le biais d'une cascade de signalisation, inhibe l'enzyme clé de la combustion des graisses : la lipase hormono-sensible (HSL).
La HSL est essentielle pour décomposer les graisses corporelles stockées (triacylglycérols) en AGL et en glycérol, qui sont ensuite libérés dans le sang pour être utilisés comme carburant. En inhibant la HSL, la niacine à forte dose freine efficacement et temporairement la capacité de l'organisme à mobiliser les réserves de graisse pour produire de l'énergie.
Impact sur les performances athlétiques et la combustion des graisses
Pour un athlète, en particulier dans les sports d'endurance comme la course de fond ou le cyclisme, le corps dépend fortement de l'oxydation des graisses pour épargner les réserves limitées de glycogène. C'est là que l'effet anti-lipolytique de la niacine à forte dose peut être préjudiciable :
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Disponibilité réduite du carburant : En limitant la disponibilité des AGL — une source de carburant privilégiée pendant un exercice prolongé d'intensité modérée — le corps est forcé de dépendre davantage de ses réserves de glucides (glycogène).
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Réduction du temps jusqu'à l'épuisement : Des études portant sur l'ingestion aiguë de niacine à forte dose avant l'exercice ont montré une augmentation du quotient respiratoire (QR). Un QR plus élevé indique une plus grande dépendance au carburant glucidique et une diminution du taux d'oxydation des graisses. Ce passage prématuré peut entraîner un épuisement plus rapide du glycogène musculaire, ce qui se traduit par une diminution du temps jusqu'à l'épuisement et une altération des performances aérobies.
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Récupération atténuée : La recherche suggère également que la suppression temporaire de la mobilisation des graisses peut réduire l'ampleur de la consommation excessive d'oxygène post-exercice (EPOC), l'effet de "postcombustion" qui contribue à la dépense calorique globale après l'exercice.
Point essentiel à retenir : Pour les athlètes et les personnes qui cherchent à maximiser l'oxydation des graisses pendant l'exercice — un objectif courant pour l'entraînement d'endurance ou l'amélioration de la composition corporelle — l'ingestion aiguë de suppléments de niacine à forte dose est contre-indiquée en raison de son mécanisme d'inhibition de la HSL et de la restriction qui en résulte sur la disponibilité du carburant lipidique.
Distinction : Supplément vs. Apport alimentaire
Il est essentiel de faire la distinction entre les doses pharmacologiques de niacine (généralement 500 mg et plus) utilisées à des fins thérapeutiques et l'apport provenant d'une alimentation équilibrée.
La niacine alimentaire est un élément essentiel d'un métabolisme énergétique sain et ne doit pas être évitée. Le problème réside dans les doses supraphysiologiques que l'on trouve dans certains produits de pré-entraînement ou utilisées dans les régimes hypocholestérolémiants, qui déclenchent la puissante réponse anti-lipolytique.
En résumé, bien que la niacine soit une vitamine B essentielle, son utilisation comme supplément à forte dose immédiatement avant l'entraînement va fondamentalement à l'encontre des objectifs métaboliques de maximisation de l'utilisation des graisses pendant l'exercice. Les athlètes doivent privilégier une alimentation suffisante en vitamines B tout en faisant preuve de prudence quant à la supplémentation en niacine à forte dose dans le contexte de l'amélioration des performances.

